Nous
sommes dans le sud-est du Massif Central. Louis XV est roi de France depuis
1715. Au début de son règne, il jouissait d'une grande popularité,
mais au début des années 1760 la situation s'est considérablement
dégradée.
Le traité de Paris a mis fin à la guerre de 7 ans contre
l'Angleterre. Cette guerre a coûté deux cent mille hommes
à la France et à la plupart de ses colonies.
Les finances du royaume ne sont pas brillantes. Le roi est critiqué
en raison de sa vie privée et de sa gestion coûteuse des
affaires de l'Etat.
Dans tout le royaume, et particulièrement en Languedoc, les guerres
de religion ont laissé des souvenirs sanglants. Le Gévaudan
est resté fidèle à l'église catholique tandis
que les Cévennes sont plutôt de religion réformée.
Depuis 1715, cette guerre fratricide s'est poursuivie avec des périodes
d'accalmie entrecoupées de nouveaux accès de colère.
En 1764, la tension semble être tombée. Toutes les difficultés
que rencontre la monarchie donnent des arguments aux philosophes comme
Montesquieu, Diderot, Voltaire, Rousseau qui propagent leurs idées
nouvelles d'où jailliront les grands chambardements de la fin du
siècle.
La France est divisée en provinces placées sous l'autorité
d'un intendant, assisté sur le plan militaire d'un gouverneur commandant
les troupes. Il est en relation directe avec la Cour. Etienne Lafont,
intendant de la région du Gévaudan, est un ami personnel
du roi. Nous verrons, dans la suite de l'histoire, l'importance de cette
division administrative et religieuse.
Chaque province est divisée en diocèses et chaque diocèse
en paroisses. Le diocèse est représenté par l'évêque
et la paroisse par le curé. Nous verrons dans la suite de l'histoire
l'importance de ces divisions administratives. Il faut noter que l'Eglise
a un pouvoir religieux important, notamment dans ces contrées.
A
l'époque des faits, mais encore aujourd'hui, le Gévaudan
est une terre sauvage et authentique qui a mis très longtemps à
percevoir les progrès du monde moderne. On se rappelle les grands
travaux réalisés sous la houlette d'hommes politiques comme
Valéry Giscard d'Estaing (notamment le Viaduc de Garabit, A75,
etc) qui ont permis de désenclaver en partie cette région.
Cependant, aujourd'hui, où le tourisme est vert, c'est plutôt
un atout.
Le Gévaudan du XVIIIème siècle correspond en grande
partie à la Lozère d'aujourd'hui, le sud du Cantal, et une
petite partie de la Haute Loire.
A l'extrême Est, s'ouvrent les impressionnantes gorges de l'Allier.
Dans l'Est et le Centre du diocèse, de l'Allier à la Truyère,
la montagne de Margeride se présente sous forme de massifs arrondis
couverts de vastes pâturages et de forêts profondes. Les plus
hauts sommets culminent à 1450 mètres tandis que les plateaux
alentour atteignent déjà les mille mètres. Ces plateaux
sont souvent hérissés de rochers de granit qui, sous l'action
de l'érosion, ont pris la forme de pitons ou de blocs superposés
; à ces rochers aux formes étranges se rattachent de vieilles
superstitions païennes, histoires de fées et de sorcellerie.
A l'Ouest, de la Truyère aux gorges du Bès et aux contreforts
des Monts d'Aubrac, le plateau du Gévaudan présente la même
topographie que la Margeride avec des dénivelés encore plus
faibles.
Au Nord, se creusent les ravins sinueux de la Desges et de la Gourgoueyre.
Les Monts, aux pentes souvent escarpés, sont séparés
les uns des autres par des gorges aux fonds desquelles coulent des rivières
peu profondes, mais qui se transforment en torrents en cas de fortes pluies.
Les forêts sont épaisses et cachent des rochers qui ménagent
des cavernes, des tanières profondes et inaccessibles. Champs et
prairies sont plus ou moins ombragés par les frênes, les
sapins, les genévriers et les bouleaux. Au printemps, les genêts
se parent de leurs magnifiques fleurs jaunes.
Au sud, on aperçoit les plateaux qu'on appelle " causses ",
dominés par les Monts des Cévennes, notamment le Mont Lozère
et le Mont Aigoual. Les sentiers qui montent jusqu'aux sommets sont pierreux,
très étroits et dominent des précipices qui obligent
les hommes et les bêtes de somme à de longs détours.
Tant sur les montagnes que dans les vallées, certaines prairies
sont couvertes d'un gazon court et serré, ponctué ça
et là de larges plaques d'un vert plus intense ; c'est là
que se cachent de dangereux bourbiers connus sous le nom de " molières
". La proximité de ces fondis contraint à la plus grande
prudence car, souvent, gens et bêtes y sont ensevelis. L'hiver est
long et rigoureux ; les plateaux sont battus par des vents ressemblant
à du blizzard avec des pointes de froid à - 20 °C.
Trois à quatre mois par an, le Gévaudan est couvert de neige.
D'ailleurs, les paysans ont coutume de dire " neuf mois d'hiver,
trois mois d'enfer ". Les flocons commencent à tomber dès
octobre sur les sommets.
En résumé, le Gévaudan est une contrée magnifique
mais le climat y est rude et le relief tourmenté.
La randonnée n'y est pas sans danger en ce XVIIIème siècle.
Une bête sauvage quelle qu'elle soit peut facilement triompher des
difficultés topographiques. Elle a donc nettement l'avantage sur
les hommes, les chevaux et même les chiens lancés à
sa poursuite.
Le
Gévaudan est une région très pauvre. Le sol ne produit
guère que du seigle et du blé ; la principale ressource
des habitants est l'élevage ainsi que le commerce du bois. La population
est éparse et concentrée dans les vallons ou aux pieds des
Monts. Hormis quelques bourgs, et, notamment Mende, Marvejols, Saint-Flour,
Saint-Chely d'Apcher, Langogne, on rencontre surtout des hameaux, des
maisons isolées, des fermes de granit, des villages tristes dont
les maisons massives ne comportent souvent qu'une seule porte et une fenêtre
sans vitre que ferme un gros volet de bois. Ces maisons paysannes sont
construites en pierres de granit apparentes, les toitures en lauzes. Le
soir, la lumière n'est fournie que par un feu de genêts
et une chandelle de résine. Les meubles sont rudimentaires. Pain
et laitages constituent l'essentiel de la nourriture. Le travail est rude.
Tous les bras sont mobilisés pour les semailles et les récoltes.
Lorsque les enfants, " les drôles " comme on les appelle
dans le pays, sont trop jeunes pour manier la faux, on les envoie garder
les troupeaux. L'instruction est peu répandue dans les villages,
le fait de savoir lire et écrire confère une grande notoriété.
Autant dire que le peuple des campagnes est bien loin des idées
nouvelles des philosophes ! Bien des malheurs se sont succédé
depuis le début du siècle aggravant la misère des
paysans. Après les années sanglantes de la Guerre des Camisards,
la Peste se déclara en 1721 et fit de terribles ravages. Ce fut
ensuite le passage de groupes de bandits et de brigands(Mandrin et sa
bande). Trois années de suite, de 1748 à 1750, les intempéries
entraînèrent des récoltes catastrophiques. Il s'en
suivit une effroyable famine. Enfin, en 1751, une épidémie
anéantit presque totalement les troupeaux de moutons. Cependant,
grâce à l'Evêque de Mende depuis quarante ans, Monseigneur
de Choiseul-Beaupré, les années 1760 s'annoncent meilleures.
Agé de 76 ans, en 1764, l'Evêque exerce une grande influence
à la Cour. Il a fait beaucoup pour soulager la misère du
pays et favoriser la renaissance de l'élevage et de l'industrie
textile. Constatant que les voies de communication étaient épouvantables,
il fit élargir les chemins, construire des ponts et des routes
reliant Mende à Saint-Flour, à Lyon et au Rouergue. Il fit
encore construire un hospice à Mende. Le réveil de l'élevage
et de l'industrie a permis l'augmentation sensible des salaires et des
prix. Les paysans, les " pantres " comme on les appelle, n'en
continuent pas moins à mener une vie rude dans un environnement
souvent hostile. Nous sommes au printemps de 1764. Déjà
la Bête rode mais nul ne le sait.
De
1764 à 1767, une bête mystérieuse sème la terreur
dans le Gévaudan et le sud de l'Auvergne tuant plus de cent personnes,
Hommes, Femmes et Enfants.
Elle échappe à toutes les battues, déjoue tous les
pièges.
Quel était cet animal à la fois sanguinaire et fabuleux
?
Deux cents ans après sa disparition, la bête du Gévaudan
reste encore une énigme : elle hante encore les esprits et son
souvenir est resté vivace, notamment dans ces régions du
Gévaudan et des Cévennes. Moi-même, étant originaire
des Cévennes, lorsque j'étais enfant, mes grands-parents
me contaient l'histoire terrifiante de la Bête du Gévaudan.
Cela reste une énigme, toutes les hypothèses ont été
avancées ; il n'en demeure pas moins que ce qu'aucun sceptique
ne peut contester, ce sont les cadavres mutilés de jeunes filles,
de femmes de jeunes garçons et beaucoup plus rarement d'hommes
dans la force de l'âge qui - chaque mois, chaque semaine, parfois
chaque jour, jonchèrent pendant trois années la région
du Gévaudan.
Des groupes de chasseurs se constituent, mais leurs efforts s'avèrent
vains.
Les autorités dépêchent sur le terrain un régiment
de dragons, puis le plus grand louvetier de France.
Pendant des mois, les uns et les autres vont multiplier les tentatives
pour venir à bout du redoutable animal dont les ravages et la hardiesse
s'amplifient.
En dépit de moyens énormes, de battues gigantesques, ils
échouent.
Le parcours de la bête est jalonné de circonstances étranges
; certains détails font penser à un sadique meurtrier.
Pire encore, la bête semble invulnérable, elle déjoue
tous les pièges, ne touche pas aux proies empoisonnées,
paraît insensible aux coups de fusil
..on parle de sorcellerie,
de loup-garou
Après une période d'errances continuelles aux quatre coins
du Gévaudan, la bête se fixe dans la région du mont
Mouchet.
Le roi Louis XV, qui a promis une véritable fortune à qui
tuerait la bête, envoie en Gévaudan son porte-arquebuse
Celui-ci, après trois mois d'échecs, tue, le 21 septembre
1765, un très grand loup qu'il tient pour la bête. On verra
qu'il s'agit d'une supercherie.
Deux mois et demi plus tard, tout recommence !
Ne voulant pas remettre en question la victoire des chasseurs du roi,
Versailles se désintéresse désormais du Gévaudan.
Le comte de Tournon prend la chasse à sa charge, mais, durant dix-huit
mois, il n'obtient aucun résultat tandis que la bête rode
toujours et tue.
Le Gévaudan, qu'on n'appelait plus que par le nom de " pays
de la bête ", semble abandonné de Dieu et des Hommes.
..Jusqu'au 19 juin 1767, où un paysan, Jean Chastel, lors
d'une battue, l'abat d'une seule balle au pied du mont Mouchet, à
l'endroit précis de la sagne d'Auvers.
Dès lors, on n'entendra plus jamais parler des méfaits de
la bête du Gévaudan.
Tout a commencé
dans l'été 1764 aux alentours de la forêt de Mercoire,
que la rivière d'Allier, prenant sa source à cet endroit,
entoure d'une boucle.
La première attaquée fut une femme près de Langogne,
une vachère, mais ses bufs, se mettant autour d'elle, la
défendirent.
Elle s'en tira avec des griffes sur tout le corps et sa robe déchirée.
Elle disait que l'animal, qui l'avait attaquée, semblait un loup
mais, à première vue, ce n'était pas un loup. La
tête plus grosse et plus effilée, la gueule béante,
une raie noire sur le dos
La première " victime officielle ", si l'on peut dire,
c'est à dire recensée comme telle par sa paroisse, fut
une fille du villa des Habats, paroisse de saint Etienne de Lugdarès,
en Vivarais .
C'était le 3 juillet, puis une autre près de Mas-Méjean
d'Allier , paroisse de Puy-Laurent en Gévaudan .
Toutes deux dans les quatorze ou quinze ans.
Ensuite, de l'autre côté de la forêt de Mercoire,
près de Chaudeyrac, un garçon du Cheyla l'Evêque
; et quelques jours après, un autre du même lieu.
Toujours des jeunes ou des femmes.
Le bruit en courut dans tout le pays. On s'étonnait. Les loups
n'attaquaient que les moutons. Par ailleurs, cela, on le sait de manière
scientifique aujourd'hui, le loup est un animal sauvage qui a toujours
craint l'homme et qui ne l'a jamais attaqué. La polémique
sur le mouton dans les Hautes-Alpes est en revanche toujours d'actualité.
Il y a des parcs de loups en Lozère. On a beaucoup appris sur
cet animal qui vit en meute avec un chef. Les loups sont très
fidèles et vivent en couple avec le même congénère
tout au long de leur vie(environ vingt ans). Encore une fois, le loup,
qui avait disparu de nos campagnes vers le début du XXème
siècle et a refait son apparition il y a une vingtaine d'années,
dans les Alpes mais aussi dans les Pyrénées, est un animal
sauvage que le promeneur n'a aucun risque de rencontrer. Le loup voit
l'homme avant que celui-ci puisse seulement l'apercevoir. Le loup craint
également l'odeur de l'homme.
* * * * * * * * * *
Mais reprenons le fil de notre récit. Sur les chemins solitaires,
quelquefois d'un peu loin, ils accompagnaient " les voitures ".
Il n'y en avait pas beaucoup en ces temps reculés.
Qu'un loup, donc, se mêlât d'attaquer les bergers et les
bergères, qu'il en eût dévoré plusieurs en
quelques semaines, cela devait mettre tout le monde en émoi.
Les autorités recommandèrent de ne plus laisser les femmes
et les enfants garder seuls le bétail. Mais il faut que le bétail
mange, et, ce n'était pas les hommes occupés aux moissons
qui pouvait le garder.
Ce que les gens firent, ce fut d'armer les bergers, on les munit de
forts bâtons garnis d'un fer pointu.
Le 6 septembre, à la tombée du jour, dans le village des
Estrets près d'Arzenc de Randon, une femme s'occupait dans son
jardin.
C'était à côté de sa maison. Tout à
coup, avant même de se rendre compte de ce qui lui arrivait, elle
eut la bête sur elle. Elle fut saisie au cou, la bête lui
troua la gorge et se mit à boire son sang. Elle n'abandonna le
cadavre qu'en voyant accourir les voisins armés de serpes et
de fourches.
A Saint-Flour de Mercoire, le seize septembre vers la même heure,
ce fut un gamin qui revenait du pâturage .Il s'était attardé
pour son malheur assez loin de ses vaches qui l'auraient peut être
défendu.
La bête s 'élança sur lui, le rua par terre, lui
ouvrit le ventre. Il mourut, là, sur place, dans son sang.
Le 26 septembre, aux Thorts, dans la paroisse de Rocles, une petite
fille fut égorgée encore.
De mémoire d'homme, on n'avait vu cela. Il n'y avait plus de
sécurité. A toute heure, au bord du bois, au pré,
dans un chemin, au jardin même, on pouvait être attrapé
par la bête et saigné dans l'instant.
Une soixantaine de dragons commandés par le Major Duhammel avaient
été envoyés en cantonnement pour encadrer les battues.
De Marvejols ou de Mende, on avait envoyé des chasseurs de métier.
On fit des chasses, on traqua tellement que, si l'on ne détruisit
pas la bête féroce, on réussit du moins à
la déloger. A la fin du mois de septembre, elle dut déguerpir.
Elle alla au couchant : elle passa la montagne de Margeride. Le 28,
elle se signala à Rieutort. Une petite d'une douzaine d'années
ramenait son bétail. Elle était seule derrière
le troupeau - la mère de la porte la regardait venir - elle sortait
d'un petit bois, ne se trouvait peut-être qu'à cinq cents
pas de la maison. Tout à coup, - la mère vit cela - d'une
roche qui dominait le sentier quelque chose s'éleva, s'abattit
sur la malheureuse. Il n'y eut plus qu'un tourbillon où tournoyaient
des pans de jupe, où volait la poudre du chemin
La mère
y courut. Lorsqu'elle y fut, elle était déjà morte.
Et déchirée, dévorée à ne pas la
reconnaître. La peau du crâne était arrachée,
rabattue sur la face, le ventre et les entrailles arrachés aussi
Tout cela si près du village et en un moment, avec une rapidité,
une férocité qui faisaient frissonner. Près du
ruisseau du Rieutort, on releva des traces bien marquées. Le
pied était à peu près celui d'un loup mais de talon
plus enfoncé sans les trois fossettes qui le font reconnaître
aux chasseurs ; et il avait des griffes alors que celui du loup n'a
que des ongles. Le curé d'Aumont, qui la chassa à la tête
de ses paroissiens et qui la vit trois fois, la décrivit de la
taille d'un veau d'un an, une tête longue et effilée, une
raie noire sur le dos et une queue longue de plus d'un mètre
aussi grosse que le bras et extraordinairement fournie. Lorsqu'elle
guettait une proie, elle se tenait tapie en grognant de plus en plus
fort puis elle s'élançait comme le chat s'élance
sur la souris
Non, ce n'était pas un loup. Elle avait le
pas assez lent mais dans sa course, allant par bonds, elle était
d'une agilité et d'une vitesse extrême. Elle pouvait couvrir
une douzaine de kilomètres en très peu de temps. Elle
faisait toujours ses coups par surprise : elle attaquait sa proie de
côté ou par derrière, lui sautait au cou ; et sa
gueule énorme était munie d'une telle rangée de
dents, si tranchantes qu'il lui arrivait de faire sauter tout net une
tête. D'ordinaire, elle ne s'en prenait qu'à des tout jeunes,
à des filles surtout, à des femmes quelquefois, à
des vieilles. Lâche au point d'être mise en fuite par la
vue d'un bâton mais certains jours d'une furieuse audace. Dans
toute la France, on se mit à parler de la bête farouche
qui, en Gévaudan, dévorait les enfants. Le Gévaudan
devint le pays de la Bête. Dans ce pays-là, on ne vivait
plus. Les bûcherons n'osaient plus aller dans la forêt ce
qui rendait le bois rare et fort cher. Tout le trafic était perturbé.
Dès le début d'octobre, la Bête courait les environs
du Malzieu, de Saint Alban et de Saint Chély. Dans ces paroisses,
on demeurait perpétuellement en alarme. Comment déloger
la Bête d'un pays aussi rude et difficile d'accès avec
ses ravines sauvages comme celles de la Truyère et de la Desge
? On parla d'organiser, dans chaque paroisse, une chasse continuelle
sans beaucoup de succès. Le troisième jour de leur chasse,
les chasseurs de Marvejols tombèrent sur la Bête. Elle
était tapie derrière une murette de pierres sèches
comme il y en a tant dans la montagne. C'était à l'orée
du bois. Elle paraissait guetter un petit berger qui gardait ses bufs
sur le pacage. Un moment avant, elle avait tenté de l'attaquer
mais les bufs, lui courant dessus, l'avaient fait reculer. A la
vue des chasseurs, elle se réfugia sous les arbres. Le chef des
chasseurs fit investir le bois par tous ceux qui avaient un fusil et
le fit battre par les autres. Pour le coup, on tenait la Bête.
De fait, il lui fallut sortir du couvert et essuyer le feu de deux des
chasseurs. Le premier tira à dix pas. Elle alla par terre mais
elle se releva sur le champ. Le second la tira aussi. Elle alla par
terre de nouveau. Les deux chasseurs et les paysans les plus proches
arrivèrent en hâte. Sans les attendre, se remettant sur
pied, elle entra dans le bois mais elle ne paraissait pas bien assurée
sur ses pattes. Cependant, elle allait plus vite que ceux qui la poursuivaient.
Un autre coup de fusil lui fut tiré, cette fois sans l'abattre.
Un autre encore qui l'abattit à cinquante pas comme elle quittait
la lisière. Elle se releva et faisant volte-face regagna le couvert.
On la chercha dans les bois jusqu'à la nuit. On était
au huit octobre et la nuit vient vite en cette saison. Peut-être
fit-elle la morte et que, sans la lever, les traqueurs passèrent
à deux pas d'elle. Sur les sept heures, las de la chercher dans
le noir, on fut forcé de se retirer. On gagna le château
de la Baume qui était voisin mais on était sûr de
la retrouver le lendemain blessée ou morte puisque, par trois
fois, la balle l'avait jetée à terre. Le lendemain, on
ne retrouva rien du tout. Dès quatre heures du matin, pourtant,
on avait fait cerner le bois par plus de deux cents hommes. C'était
à n'y pas croire : la Bête n'était plus là.
Comme une fumée chassée, la Bête avait disparu.
* * * * * * * * * *
Le dix octobre, elle attaqua un gamin du village des Cayres, près
de Rimeize et l'avant-veille, elle avait dévoré une fille
du village d'Apcher juste avant d'avoir été rencontrée
guettant par les chasseurs. L'enfant allait à la fontaine, sa
cruche d'une main, sa baïonnette de l'autre. La nuit venait ; la
Bête lui tomba sur les épaules. De ses mâchoires,
elle lui emboîta le crâne, arrachant la peau du front à
la nuque. Lui, il avait lâché baïonnette et cruche
et il hurlait. Deux femmes qui revenaient du lavoir, battoir en main,
se jetèrent sur la Bête. Elle se dégagea et s'enfuit.
Le onze, vers Fontans, elle blessa une petite fille que ses frères,
de treize et six ans, sauvèrent. Ils avaient des couteaux liés
à des bâtons. Vaillamment, ils foncèrent. L'aîné
perça la peau de la Bête. Dès qu'elle se sentit
piquée, elle sursauta, recula, détala.
Le quinze, à Sainte Colombe, un enfant tué
le dix-huit,
à Saint Alban, une fille
celle-là, ses père
et mère, l'avaient forcée d'aller à la pâture.
Elle n'en revint jamais.
Le dimanche quatorze, avait été faite une grande chasse.
En semaine, les chasseurs, envoyés par les autorités,
battaient la campagne. Ils s'embusquaient autour des " pâtis
" où des enfants gardaient moutons et vaches et où
la Bête avait paru dix fois. Dès que les chasseurs étaient
là, comme si elle était avertie de tout, elle ne reparaissait
plus.
Le dimanche vingt-huit, autre grande battue de dix mille paysans. Le
temps des gros froids approchaient. On voulait tout faire sans plus
tarder pour détruire la Bête. Voir ainsi égorger
les uns après les autres tant d'enfants, tant de femmes, cela
se pouvait-il ? En finir avant l'hiver, il fallait en finir.
On avait tué soixante-quatorze loups mais on n'avait pas tué
la Bête. On commençait à se demander si on la tuerait.
A la Baume, trois coups de feu l'avaient abattue et elle s'était
relevée sans dommage. Etait-ce simplement que les chevrotines
glissaient sur ses poils ? Avec son poil rougeâtre, la raie noire
de son échine, sa queue épaisse et fouettante, cette Bête,
que les chasseurs poursuivaient sans l'atteindre, que les balles touchaient
sans la blesser, de quelle espèce était-elle ?
On disait que, lorsqu'elle se hérissait comme un chat, des houppes
de poils dressées au-dessus de ses yeux, elle paraissait énorme.
Un monstre, hyène ou loup, mâtiné de quelque léopard
? Mais les paysans, eux, commençaient à se demander s'il
n'y avait pas quelque chose de surnaturel.
* * * * * * * * * *
La bête sévissait maintenant sur les marches du Gévaudan
et de l'Auvergne ;
Les dragons remontèrent de Langogne et vinrent prendre leurs
cantonnements à Saint Chely d'Apcher.
Leur chef, le major Duhamel, s'était juré de la détruire.
Mais comme si elle le savait, on n'entendit plus parler d'elle de plusieurs
semaines.
Il avait été décidé de faire huit grandes
battues.
Ces battues avaient pour but de fouiller chaque bois, chaque buisson
et rocher de toutes les paroisses concernées.
Cependant, l'hiver était déjà là, avec la
neige. Les moutons sortaient par tous les temps. Ils savaient pousser
la neige avec leur museau pour aller chercher la bourbe grise qui demeurait
en dessous.
Buffeyrettes près d'Aumont était un des endroits les plus
froids du pays, mais il y avait à quatre pas du village une sagne,
un bourbier où la neige n'avait pas tenu. Une vieille, que l'on
nommait la Sabrande, y conduisit sa vache, pensant lui faire trouver
là un peu de verdure. Elle y trouva la Bête qui l'égorgea.
On profita de ce que cette Sabrande n'avait pas de proches pour laisser
le corps en exposition. Les dragons s'embusquèrent. D'habitude,
les loups reviennent aux cadavres ; la Bête ne revint pas
Elle alla ailleurs. Toujours des attaques, toujours des carnages et
elle restait insaisissable.
Le quinze décembre, elle avait dévoré une fille
à Védrine-Saint-Loup. On avait retrouvé la tête
à cent pas de distance. Le même jour, elle avait blessé
gravement un garçon à Chanteloube. Le Major Duhamel envoya
douze dragons se poster pour la nuit près du corps de la pauvre
fille. Avec le reste de son détachement, au lever du jour, il
se dirigea vers les forêts de La Baume. Il avait bien calculé
: la Bête fut débusquée. Elle venait même
droit au Major. Par malheur, les dragons, ignorant qu'il fut là,
coururent sur elle et la firent changer de direction. Deux fourriers
à cheval la poursuivirent pendant presque une demi-heure si près
de la sabrer qu'ils pensèrent ne pas devoir la tirer au pistolet.
Par malheur encore, se trouva devant eux une sagne et la Bête
gagna les bois. Les deux fourriers devaient avoir l'expérience
de ces fondrières de la montagne et ils ne s'y risquèrent
point. On perdit la trace de la Bête.
Dans cette fin décembre, la Bête fit des carnages au Fau-de-Peyre
à Chauliac, à Paulhac et elle dévora le berger
communale de La Besseyre-Saint-Mary, sur la montagne du Partus. Presque
à la même date, elle parut loin de là, au bois de
Saint-Martin-du-Borgne, qui est tout près de Mende. Elle épiait
une petite et allait s'élancer sur elle lorsque celle-ci la vit.
Elle alla vers son père en criant. L'homme la protégea
d'une main et de l'autre s'arma d'un gros bâton. S'étant
ainsi mis en défense, il s'escrima de son mieux. Mais le combat
dura. Au bout d'un quart d'heure, l'homme n'en pouvait plus et la petite
allait lui être enlevée si les bêtes à cornes
qu'il faisait paître n'étaient venues à son secours
On ne comptait plus sur les dragons. Les autorités avaient décidé
de les rappeler. Le Major, qui se démenait beaucoup, obtint pourtant
de continuer ses chasses. Les paysans disaient qu'on n'abattrait pas
la Bête. Des hommes l'avaient tirée presque à bout
portant, les balles ayant glissé sur sa peau.
On voyait la bête féroce partout : dans le Rouergue, vers
Aumont-Aubrac, Saint-Geniès et Espalion. Au bois de Saint-Côme,
elle aurait dévoré une bergère de dix-huit ans.
Puis, à Saint-Juéry, une femme qui cueillait des herbes
dans son jardin. Et, une heure plus tard, une fille à Maurines.
Ce
fut au Villaret d'Apcher le douze janvier 1765 qu'eut lieu le fameux combat
des enfants. Ils étaient sept, de douze à huit ans. Ils
gardaient leur bétail sur une des plus hautes montagnes du Gévaudan
au lieu-dit des Coutasseyres. Ils ne virent la Bête que lorsqu'elle
fut devant eux. Ils se rassemblèrent, ôtèrent les
gaines de leurs baïonnettes. Le petit Portefaix prit le commandement.
Il se plaça sur le devant avec les deux plus grands, mit les filles
derrière et les deux plus jeunes derrière les filles. Ils
viraient sur place pour face à la Bête qui tournoyait autour
d'eux. Soudain, elle sauta sur un des tout-petits. Les trois grands bondirent
sur elle cherchant à l'embrocher. Leurs mauvaises lames ne lui
entraient pas dans le corps. Ils finirent cependant par l'écarter.
Elle se retira à deux pas emportant un lambeau de la joue du petit.
Après quoi, elle revint avec plus de fureur, tournant toujours
autour de la troupe. D'un coup de museau, elle renversa le plus jeune
des enfants ; chassée, elle se jeta sur lui, le blessa à
la face, fut chassée encore mais le ressaisit par le bras et cette
fois l'entraîna. Un des grands, découragé, voyant
la joue en sang d'un de ses camarades et un autre emporté par la
Bête, dit qu'il leur fallait laisser manger celui-là, pendant
qu'ils profiteraient de ce laps de temps pour se sauver. Portefaix fut
vaillant : il leur cria de venir, qu'ils délivreraient leur camarade
ou qu'ils mourraient avec lui. Tous le suivirent, même le blessé
et, avec lui, coururent après la Bête. Mais bien que, traînant
ce petit qu'elle avait saisi par le bras, la Bête courait plus vite
qu'eux. Portefaix fit passer l'un des grands d'un côté, passa,
lui, de l'autre afin que la Bête allât tout droit dans une
fondrière. Empêtrée dans la bourbe, les joncs et l'eau,
elle dut ralentir l'allure. Les enfants purent la rejoindre. " N'essayez
pas de la piquer par derrière, cria Portefaix, donnez-lui des coups
à la tête, dans la gueule, si vous pouvez, et dans les yeux
! ". Les yeux, ils ne purent les piquer. Quant à la gueule,
qu'elle gardait sans cesse ouverte, ils y allongèrent plusieurs
coups. Toutes ces pointes, que la Bête devait éviter, ne
lui permettait pas de dévorer le petit qu'elle avait toujours sous
sa patte. Ce qu'elle put, ce fut de saisir entre ses dents la baïonnette
de Portefaix et elle la faussa. Cependant, il lui adressa un mauvais coup
qui lui fit faire un saut en arrière, la forçant à
abandonner le petit dans la sagne. Aussitôt, Portefaix passa entre
la Bête et le petit qui se releva et s'accrocha au pan de sa veste.
La Bête se retira sur un tertre. Enhardis, les enfants la poursuivirent
et enfin la mirent en fuite.
L'homme courageux et vaillant est toujours récompensé. C'est
ce que fit le roi envers Portefaix et les enfants.
Le petit portefaix fut fêté. Le roi le fit récompenser
et envoyer aux écoles : il devint officier d'artillerie.
Ce
même soir, la bête dévora un drôle, le petit
Chateauneuf au Mazel de Grèzes.
Le lendemain, ne vint-elle pas chez les Chateauneuf ? Elle apparut là
les pattes à l'appui sur la fenêtre et elle regardait dans
la maison.
Ces gens restèrent pétrifiés. Le père, connu
pour être un homme fort dans la contrée, n'osa pourtant pas
l'empoigner par les pattes ; il parvint à demander a sa fille une
hache. Alors la bête décampa.
Ensuite, près de Lastic, elle tua une fille qui étendait
du fumier dans son champ.
Au Mazel de Greize encore, elle s'en prit à un homme qui aurait
pu mal finir si une vache n'était venue le défendre.
Au pont d'Aurifates, elle osa attaquer trois hommes armés de piques
et elle esquiva tous leurs coups
Elle blessa une petite au Bacon, coupa la tête d'une femme à
Lorcières .
Les carnages ne cessaient plus
Les dragons inefficaces avaient été renvoyés dans
leur garnison ; on comptait davantage sur les chasseurs du pays.
D'ailleurs, le Roi promettait une véritable fortune pour l'époque
à qui débarrasserait le pays de la Bête.
Cette bête, qui la tuerait ?
Il y avait plus d'une demi-année qu'elle tuait des gens et toutes
les mesures, toutes les chasses ne changeaient rien à ses carnages.
Cela ne s'était jamais vu, un loup se tue
Cette bête était-elle autre chose qu'un simple animal ?
Les autorités
lancèrent le plan d'une grande battue pour le 7 février
quel que soit le temps.
Vingt mille paysans battirent tout le pays et l'enfermèrent dans
un rond immense.
La bête, en effet, a quitté la Margeride. On l'a vu entre
Saint-Flour et Massiac.
A Javols, elle a enlevé un garçon qui jouait aux quilles
avec ses camarades.
Elle se montre sur les chemins les plus fréquentés et
jusque dans les villages.
Puis elle est retournée en Gévaudan, a poussé vers
Mende, faisant un circuit de près de quarante lieues.
Une chasse générale est donc nécessaire On mènera
un tel vacarme de trompes, de bois, de cris et de huées que la
bête sera obligée de sortir du fourré le plus dense.
De toutes parts, on la poussera vers les fusils des chasseurs. Et il
faudra bien qu'elle y reste cette fois !
Le 7 février, le pays est couvert d'un demi-pied de neige et
le temps quoique froid est calme et serein. En Auvergne, le brouillard
est à couper au couteau. Sur les dix-onze heures, la bête
est débusquée par les hommes de Prunières. Elle
gagne la Truyère. Et voilà que la rive opposée
qui devait être gardée par les gens du Malzieu se trouve
dégarnie.
Le vicaire de
Prunières et dix de ses paroissiens ont le courage de se jeter
dans la rivière.
Ils traversent presque à la nage ces eaux de neige furieusement
lancées dans les rochers.
Ils suivent la bête à la trace, mais bientôt ils
la perdent.
Vers une heure elle est rencontrée par le valet de ville et quatre
paysans du Malzieu. Le valet de ville la tire : son fusil fait faux
feu
une fois de plus.
Un des paysan la tire aussi ; sur le coup, elle tombe sur ses jambes
de devant, puis elle se relève et on la poursuit en vain jusqu'à
la nuit
Elle n'était guère blessée puisque, le lendemain,
elle coupa le cou à une petite de Mialanette, près du
Malzieu et elle fut vue emportant la tête dans un bois.
Le dimanche, on fit une chasse particulière de dix-sept paroisses,
et, bien que le pays fut tout enneigé on ne releva aucune trace
de la Bête.
Le lundi, autre chasse générale. Cette fois, le temps
était cruel : le vent soufflait en tempête et il tombait
beaucoup de neige.
Du matin jusqu'à la nuit, vingt mille hommes furent en mouvement
; on tua un loup, mais la bête ne fut vue nulle part.
Tous ces échecs firent que les dragons retournèrent définitivement
tenir garnison à Pont-Saint-Esprit.
Nous
allons nous rendre compte que les Chastel eurent un rôle capital
dans l'histoire de la Bête du Gévaudan .
Au lendemain de la grande chasse du 11 février, il était
arrivé quelque chose de curieux. Cela se passait à Auvers,
très près de l'endroit où la bête devait être
tuée.
Monsieur de la Védrine y avait une verrerie ; une de ces fameuses
verreries de la Margeride.
Son valet fendait du bois, un peu à l'écart du bâtiment,
lorsque, venant à lui, il aperçut la Bête.
Aux cris, Monsieur de la Védrine était sorti avec son fusil.
La Bête, qui avançait à grands pas, avait semblé
comprendre .Si promptement qu'elle s'était reculée à
soixante pas, lorsque le gentilhomme lui avait tiré dessus.
Le coup avait dû lui casser la jambe de derrière. Maître
et valet l'avaient poursuivie dans le bois. Ils avaient trouvé
du sang sur la neige, mais il y avait du brouillard et la nuit tombait.
Monsieur de la Védrine avait appris ensuite que des hommes du pays,
les Chastel, ayant rencontré la Bête, avaient remarqué
qu'elle n'allait que sur trois jambes.
Jean Chastel, le père, celui qui tuera un jour la Bête, était
né au village de Darnes, s'était marié à la
Besseyre-Sainte-Marie, et il y demeurait. Il était cabaretier,
cultivateur, un des principaux habitants de l'endroit.
Ses deux fils étaient gardes-forestiers dans les bois de la Teynazeyre.
Sur le cadet, Antoine , des bruits couraient. Il avait vécu chez
les huguenots du Vivarais, hanté les galériens de Toulon,
été pris par les pirates d'Alger qui avaient fait de lui
un valet de ménagerie, chargé de nourrir et d'apprivoiser
les bêtes féroces. Peut-être aussi un castrat, et,
le forçant de mettre le pied sur un crucifix, un renégat.
Evadé ou racheté, il était revenu au pays. Son père
n'avait pas tué le veau gras.
Lui, qui ne pouvait sans doute plus prendre femme, était allé
vivre en sauvage dans les cabanes au milieu des bois, sur le mont Mouchet.
Des endroits perdus de solitude, impossibles, faits pour l'écureuil
et le blaireau. Antoine Chastel s'y était réfugié
tel un sauvage, un vrai loup-garou avec quelques mâtins aussi farouches
que des loups.
Les autorités les interrogèrent sur le rapport de Monsieur
de la Védrine. Ils répondirent que ce rapport n'était
pas fidèle, qu'ils n'étaient pas allés a la chasse
le mercredi : il faisait trop mauvais temps et ils n'avaient pas vu la
Bête.
Pendant ce temps, elle dévora un enfant à Penaveyre, un
autre à la Chapelle-Laurent, et attaqua une fille à l'Estival.
On redoublait d'efforts pour la détruire avant l'été
où les blés lui serviraient de protection et de retraite,
alors qui oserait mener les troupeaux à la pâture ?
C'est alors que le Roi décida d'envoyer en Gévaudan le sieur
Denneval meilleur louvetier du royaume.
Le sieur Denneval,
bien qu'étant sur la soixantaine était toujours un homme
alerte.
Il crut pouvoir promettre au roi qu'il tuerait la Bête.
Il vint d'abord avec son fils qui était capitaine. Ensuite, ils
attendirent leurs chiens : des limiers très mordants, excellents
pour le loup mais qui ne pouvaient voyager qu'en faisant plusieurs étapes.
On leur fit le portrait de la bête féroce avec sa gueule
énorme aux dents tranchantes comme des rasoirs, ses oreilles
pointues plus courtes que celles d'un loup, sa raie noire sur le dos,
son poil roussâtre, sa queue ramée.
Comme à l'arrivée des dragons, la bête ne se montra
pas. Elle attaqua seulement, sur la route entre Aumont-Aubrac et Saint
Chely-d'Apcher, un aubergiste.
Plus tard, vers la fin du mois de Février, elle attaqua une petite
fille, à Brion. Celle-ci mourut de ses blessures.
Elle s'en prit aussi à deux enfants du Montel près de
Javols qui puisaient de l'eau à la fontaine.
Enfin, à une femme des Escures et à sa servante qui allaient
à la messe à Fournels : la servante l'avait couchée
contre terre criant qu'elle sacrifiait sa vie pourvu qu'on tua le monstre.
Mais la Bête, voyant approcher des hommes, fit un effort, se retourna
contre elle, la mordit à la face, lui emporta la gorge
Le lendemain, premier mars, au Fau de Brion, devant une grange, elle
assaillit une petite que le père put sauver.
Le quatre, elle dévora une femme à Ally ; le huit une
petite encore, au Fayet d'Alberet le Comtal ; le neuf près du
Ligonès ; elle tua net, la saignant à la jugulaire, une
femme de vingt-cinq ans, robuste, armée d'une pelle et d'un hoyau.
Comme si elle s'enrageait ou que quelqu'un l'excitât, elle multiplia
les carnages. Le onze, en plein après-midi, à Malavieillette,
près de Fontans, elle enleva une petite sous le hangar de sa
maison et la mangea. Deux heures après, à côté
du château de Saint-Alban, elle se saisit d'un garçon mais
n'eut pas le temps de lui faire beaucoup de mal. Elle dut ensuite passer
la Truyère. De Saint-Léger, elle gagna Albaret-Sainte-Marie.
Là, le curé et d'autres habitants la pourchassèrent.
Mais, de rage, et sans même les attaquer, elle égorgea
successivement un cochon, un mouton et d'autres bêtes ayant eu
le malheur de se trouver sur son passage. Se lançant furieusement
dans la campagne, elle revint sur ses pas. Dans Prunières, elle
s'en prit à un garçon puis à un vieil homme
Après quoi, elle repassa la Truyère. Vers midi, au mas
de la Veyssière, isolé sur une hauteur entre Saint Alban
et Lajo, elle attaqua la famille Jouve. Combat dont on parla presque
autant que celui des enfants.
* * * * * * * * * *
Jeanne Jouve se trouvait dans son jardin devant la maison. Elle faisait
prendre le soleil à trois de ses plus jeunes - elle avait six
enfants - ils venaient d'achever leur dîner, l'écuelle
de soupe en main et se retiraient vers la maison. Devant elle, la mère
avait le petit de six ans, à côté d'elle, la petite,
de huit ou neuf ans, qui portait entre les bras son frère de
quatorze mois. Tout à coup, on entendit tomber une pierre de
la murette. Jeanne se retourne : la Bête est là. Elle a
déjà renversé la petite et la saisit au bras d'un
coup de gueule. La pauvrette n'a pas lâché son frère,
le serrant contre elle, elle essaie de le protéger. Jeanne Jouve
se jette sur la dévorante, la contraint à lâcher
prise. La petite aussitôt se dégage. Relevée, elle
s'efforce d'éloigner à coups de pieds, cette bête,
revenue à la charge, et qui les jette contre le mur, elle et
le marmot qu'elle tient toujours. La mère les couvre de son corps
mais soudain au milieu de l'affreuse bousculade, elle voit la Bête
se dérober pour assaillir le gamin resté en arrière.
Elle, alors, comme un éclair, s'élance devant lui. De
ses griffes, la Bête l'agrafe par un bras, la tire à terre,
attrape le petit gars qui crie et qui appelle sa mère à
son secours. Toute faible et maladive qu'elle est, aux cris de son enfant,
la malheureuse sent lui revenir des forces. Elle se relève, bouscule
la Bête, la fait tomber, la serre de ses genoux, tâche de
la maintenir au sol. La Bête secoue Jeanne, se débarrasse
d'elle. Mais Jeanne revient au combat, et ce combat, huit-dix fois,
recommence. Démenées, haletantes, tournoyantes, poils
hérissés et crocs sortis, coiffe arrachée et vêtements
battants, la femme et la Bête luttaient à coups de griffes,
à coups de dents. La Bête se libère, se saisit du
gamin, l'emporte. La mère la rattrape au milieu du jardin, lui
fait lâcher son enfant. La renversant de nouveau, la Bête
reprend sa proie et repart. Jeanne Jouve, alors, s'arme d'une pierre,
lui tape désespérément sur la tête. Une fois
de plus, la Bête la renverse, se ressaisit du petit et va franchir
les broussailles qui ferment le jardin. Il y a un endroit où
elles ne joignent pas bien. Jeanne gagne ce passage. Elle attrape la
Bête par le pied de derrière. Entraînée, elle
saute avec elle d'une toise de haut, tombe devant son petit que la Bête
tient toujours par la tête et elle s'efforce, à demi-épuisée,
de lui arracher de la gueule. La Bête, enragée, lui souffle
à la figure comme un chat en colère. Tiraillements, assauts,
corps à corps dans le pré où a été
transporté l'enfant. Jeanne s'acharne. Maintenant, elle monte
à califourchon sur le dos de la Bête. Maintenant, elle
l'empoigne par les bourses. Puis, d'un coup, ses forces la quittent
Elle essaie encore de crier. Elle voit là-bas la Bête commencer
de dévorer la face de son enfant. Au même moment, deux
de ses plus grands se préparaient à mener paître
le troupeau. Enfin, ils entendent les cris. Ils partent à la
rescousse. Le chien de parc les a devancés. Lancé à
la tête de la Bête, ce chien l'abat, la roule. Un des deux
pastoureaux arrive aussi et lance un coup de baïonnette. La Bête
lance sa proie qu'elle tenait toujours. Elle monte dans un champ, passant
au-dessus d'un tertre et d'une haie. Le dogue, qui la suit, est monté
avec elle en l'attaquant. Sans même le mordre, d'une simple bourrade,
la Bête le jette à terre et disparaît.
Le courage de cette paysanne sans force et cramponnée au monstre
comme une forcenée fit sensation. On en parla autant que du petit
Portefaix. Le Roi lui fit remettre une gratification de trois cents
livres.
Le même soir, la Bête dévora un garçon à
Chanalleilles. Le lendemain, au lever du jour, elle se montra à
l'Estival. Les Denneval avaient commencé de chasser mais ils
ne lâchaient pas leurs chiens avant de les voir habitués
au pays, capables de retrouver leur gîte.
Tout le mois de mars, la Bête continua ses attaques. Les limiers
de Monsieur Denneval, cependant, commençaient de bien la chasser.
Et lui ne s'épargnait pas, la poursuivant parfois sans manger
de tout le jour.
Des carnages, toujours des carnages, d'autres, d'autres... Il y eut
un moment en avril où il lui fallut un enfant par jour.
Le sept, jour de Pâques et jour de la Première Communion,
à Grèzes, elle égorgea une bergère de seize
ans.
Après cela, elle attaqua plusieurs personnes. Elle se fit voir
en plusieurs endroits. Comme on la cherchait, on ne la vit pas. En plein
brouhaha de la foire du Malzieu, on apprit qu'à Saint-Privat
du Fau, la Bête venait d'égorger une bergère qui
menait ses bêtes à la pâture. Le curé avait
dû être appelé pour la confesser sur place.
Puis, à une demi-lieu de là, au village d'Amourettes,
elle tomba sur une petite vachère. Pour une fois, on arriva à
temps.
Puis, vers le Mazet, sur deux bergers, garçon et fille, et elle
dévora la fille. Enfin, vers deux heures de l'après-midi,
à Lorcières, elle attaqua encore une fille. Celle-ci fut
sauvée par un garçon de quinze ans, qui, se trouvant là,
la combattit intrépidement. Un de ses coups de baïonnettes
atteignit la Bête à l'épaule. La lame pénétra
si profondément, qu'il la retira toute sanglante.
En un jour, quatre attaques, une mourante, une morte
Les nouvelles,
à cause de la foire, coururent comme le vent. Chacun craignait
pour ceux de sa famille. A tout moment, la Bête pouvait se cacher
à la mauvaise heure dans les genêts, derrière un
genièvre ou au tournant de la draille. Piétinant la boue
pleine de paille du foirail ou attablés au fond de l'auberge
qui sent la vinasse et le fricot, les hommes parlaient. Une dure colère
les chauffait. Il fallait tuer la Bête. Ce n'était pas
possible qu'on n'en vienne pas à bout à la fin des fins.
* * * * * * * * * *
Depuis mars-avril, souvent, Monsieur Denneval avait pris la Bête
en chasse. Ces chiens trouvaient la piste, ses piqueurs avaient de loin
tiré le monstre. Gênés par le vent furieux et les
giboulées, ils l'avaient manquée. Quelquefois, c'était
comme si un chien ou un homme avait tout brouillé par son odeur.
On est forcé de penser à Antoine Chastel et à ses
mâtins.
S'en suivirent plusieurs battues jusqu'au début du mois de juin,
où la Bête semblait toujours se retrancher dans les parages
du Mont Mouchet où, Antoine Chastel, le meneur de loups, avait
son repaire. Les piqueurs vinrent dire qu'ils avaient suivi la Bête
jusqu'en Auvergne. Les Denneval renvoyèrent les rabatteurs et,
avec les bourgeois du Malzieu, une trentaine de tireurs à cheval,
ils allèrent donc pour chasser la Bête. Ce fut une quête
de toute la journée. Les gens l'avaient vue. Les chiens la débusquèrent.
Mais l'orage vint et la nuit. Il fallut se retirer à Auvert,
village triste où l'on ne trouva ni pain ni paille. Pour souper
un chevreau et pour coucher la terre battue de la bergerie. Au point
du jour, ils remirent en campagne dans les bois de Monsieur d'Apcher.
Plus de traces de la Bête. D'autres chasses suivirent. Elle échappa
toujours avec une chance et une ruse inconcevables.
Les Denneval, après beaucoup d'énergie dépensée
à chasser la Bête, durent s'en retourner très déçus,
et, après avoir approché la vérité de très
près.
Là-dessus, envoyé par le Roi, arriva Monsieur Antoine,
son porte-arquebuse avec ses gardes-chasse et ses limiers.
Ils arrivèrent
en juin 1765, Mr Antoine de Beauterne, son fils, des gardes chasses,
des valets de limiers avec leurs limiers.
Monsieur Antoine arriva en Gévaudan avec un énorme prestige.
C'était en effet un personnage important, le porte-arquebuse
du Roi , un homme qui parlait tous les jours à sa Majesté.
On ne pouvait toutefois s'empêcher de penser aux échecs
successifs de MM Duhamel et Denneval.
Monsieur Antoine arriva en Gévaudan le 21 juin et c'est le 21
septembre qu'il s'octroya son triomphe.
Pendant ces trois mois, il ne vit jamais la bête qui tuait chaque
jour à sa porte.
C'était un homme de soixante-dix ans environ haut en couleur
et plein d'assurance.
* * * * * * * * * *
La Bête
exactement comme pour MM Duhamel et Denneval, durant quelque temps,
ne fit plus parler d'elle.
Puis elle se signala de nouveau, entre Serverette et Saint Alban, elle
attaqua le courrier de Mende .
Après cela, la Bête attaqua en plusieurs endroits, à
Broussoles, un drôle et une fillette, puis une vieille qui gardait
les bestiaux en compagnie d'une petite.
Plus tard à Julianges elle attaqua la fille du maréchal
ferrand.
Puis elle alla rôder vers Chabanolles, à la Farge, puis
gagna le territoire de Paulhac.
A peine Mr Antoine eût-il été informé du meurtre
de Broussoles, qu'il s'y rendit pour examiner le cadavre. Il en conclut
que ces faits avaient été perpétrés par
des loups.
Voyant les difficultés du pays, et la bête insaisissable,
il se dit assez rapidement qu'il fallait mettre sur des loups le compte
de ces méfaits.
On pourrait toujours tuer un gros loup et le présenter ensuite
au Roi ; ainsi, ses ordres seraient exécutés.
Monsieur Antoine n'était pas partisan des battues.
Les paysans les faisaient sans conviction, sans ordre, suivant les sentiers
par douze ou quinze comme à la procession, puis allant se coucher
par pelotons sous les arbres.
D'autre part ,la misère était si grande que les paysans
partaient aux battues sans avoir mangé et ils tombaient ensuite
de fatigue.
Monsieur Antoine dans un premier temps, tout au moins, ne fit pas de
battues.
Il préférait poser des affûts, des appâts,
tout en postant des gardes tout autour.
Puis recommença la litanie sanglante des meurtres du monstre.
D'abord deux surs des Clarisses, puis deux petits gars qui lui
avaient échappé en grimpant dans un arbre.
Le 21 juillet (nous sommes en 1765) un gars de treize ans moins heureux
que ces deux-là. La bête l'enleva vers sept heures du soir
sur un chemin alors qu'il était allé chercher les bufs
de son père dans un pré.
On alla prévenir Monsieur Antoine qui vint à Auvers dès
le matin.
Ce jour-là, il fit entourer le bois par des chasseurs, et le
fit battre par des paysans ; ce ne fut que le soir que les chasseurs
découvrirent le corps du pauvre petit.
Et les attaques ne cessaient plus. Monsieur Antoine écrivit qu'il
n'avait jamais vu pays aussi difficile.
La Bête, pourtant, ne s'écartait guère du château
du Besset, à côté de la Beysseyre, le village des
Chastel.
Le 9 août, des limiers la débusquèrent dans le bois
de Servières . Le comte de Tournon, récemment arrivé
en Gévaudan, la fit attaquer par ses chiens sans grand succès.
Puis, sous le Mont Chauvet, deux gardes allant prendre leurs postes
de tireurs. Les cavaliers sont devant le passage gazonné entre
les bois, mais ils ont appris à se méfier des sagnes.
Ils trouvent là les Chastel, le père accompagné
de ses deux fils. Du haut de leurs montures, ils demandent à
ces derniers s'il y a du danger à continuer leur chemin.
Ceux-ci leur disent qu'il n'y a pas de danger, mais tout de suite après,
les deux cavaliers s'enfoncent dans une de ces " molières
" dont ils ne sortent que très difficilement sous le regard
goguenard des Chastel.
Ceux-là, au lieu d'accourir, de tendre quelque perche, rient
à s'en tenir les côtes.
Outrés de colère, les gardes peinent et jurent, finissent
pourtant par sortir de là .
S'ensuivent des échanges d'injures et un des gardes attrape Antoine
Chastel, le loup-garou au collet. Aussitôt Jean et Pierre Chastel
le mettent en joue. Il ne faut pas s'amuser avec ces sauvages de la
montagne, ils seraient capables de tirer un homme à bout portant
.Le garde lâche donc Antoine, et cet Antoine sauvage entre les
sauvages braque à son tour son fusil.
Finalement, pour éviter une effusion de sang, les gardes laissent
les Chastel partir librement, non sans avoir ensuite fait leur rapport
à Monsieur Antoine.
Les Chastel furent conduits dans les prisons de Saugues. Monsieur Antoine
demanda à ce qu'on écroua durablement d'aussi mauvais
sujets.
Il insista même pour qu'on ne les relâcha après que
lui-même aurait quitté le Gévaudan.
La chose curieuse c'est que pendant les trois mois que dura la détention
des Chastel, la bête ne fut pas vue. Et durant cette période
on n'aura à déplorer aucun carnage.
Monsieur Antoine demanda une messe pour le 19 août à la
Besseyre où il vint beaucoup de monde. Pour la Saint Louis, il
y eut aussi un service solennel.
Mais enfin il était question de savoir si l'on tuerait la bête.
On la tua quatre jours après, du moins le croyait-on. Un neveu
de Monsieur Antoine tira de loin un grand loup qui semblait guetter
des petits bergers au pâturage. On lui donna les chiens, il alla
se perdre en Auvergne mais le corps fut retrouvé. A son aspect
et à sa façon de guetter les bergers, on put dire que
c'était la bête féroce.
Le comte de Tournon s'en persuada si bien qu'il gagna le Puy, y fit
une entrée en fanfare, portant en guise de cocarde à son
chapeau un pied de la Bête.
Mais la Bête n'était pas morte. Monsieur Antoine ne le
croyait pas et de fait le tocsin recommença à sonner dans
les clochers des villages. Attaques sur attaques, carnage sur carnage
toujours aux confins du Gévaudan et de l'Auvergne.
* * * * * * * * * *
Ici une fille
qui épand du fumier, là une autre qui fait la récolte
des lentilles, là une gamine qui épluche une baguette
en gardant ses vaches, deux muletiers et un teinturier qui cheminent
dans une gorge.
Toujours la bête, et ceux qui la voient disent bien que ce n'est
pas un loup : elle est autrement plus souple, tachetée, roussâtre,
rayée sur l'échine et de gueule formidable.
Puis deux drôles du Buffat, dont l'un fut bien malmené,
puis au Pepinet on découvrit le cadavre d'une pauvre petite de
douze ans.
Ses parents étaient effondrés. Monsieur Antoine allait
être contraint de repartir, son service l'attendait auprès
du roi. Par ailleurs, à la mi-septembre, il avait déjà
gelé dans les montagnes, la neige tomberait bientôt et
les limiers ne pourraient plus chasser.
Mais pouvait-il partir en laissant derrière lui la bête
dévorante ?
En ce même jour, 17 septembre, arrive de la louveterie du Roi
le secours en chiens tant attendu.
Dès
le 18 septembre, Monsieur Antoine envoie des limiers et trois ou quatre
gardes reconnaître les bois de l'abbaye Sainte Marie des Chazes,
où on est bien obligé de constater que le monstre n'a jamais
sévi.
Le 19, on vient l'avertir qu'on y a vu un gros loup, une louve , de forts
louveteaux.
Il part sur le champ avec toute sa troupe ; c'est loin de l'autre côté
de l'Allier qu'on passe en bac.
Le 20 au matin, les trois valets de limiers et le valet de chiens lui
font rapport qu'il ont détourné le loup dans le bois de
pommier : il y va avec les gardes et quarante tireurs venus de Langeac.
Il fait investir le bois ; lui ,Antoine se poste à vingt pas d'un
terrain découvert, puis les valets entrent dans le bois et font
une battue avec leurs chiens.
Tout à coup, à travers le feuillage, Monsieur Antoine aperçoit
un loup énorme ; aussitôt il lui tire dessus et le loup tombe.
Monsieur Antoine touchera les dix mille livres de prime plus les mille
livres de pension ; il sera fait grand croix de Saint Louis. Quel coup
heureux !
Cependant, les doutes se font assez vite, car, en effet, Monsieur Antoine
est allé chasser la Bbête où on ne l'avait jamais vue
et c'est sur lui-même que l'animal est venu se faire tuer alors
qu'il y avait cinquante chasseurs aux alentours.
Tout cela est bien extraordinaire et sent le " dessous de cartes
".
Mais, pendant ce temps, où est donc passé Monsieur Antoine
fils ? Comme il est curieux qu'il n'ait pris part à toute cette
gloire ! Serait-il par hasard déjà en route pour Clermont
et la Cour, apportant la nouvelle avant l'événement, les
trophées avant la chasse ?
Beaucoup plus tard, on apprit d'après les papiers des intendants
que dès le 20 septembre et non le 21, Monsieur Antoine écrivait
de sa main à l'intendant d'Auvergne annonçant son fils et
la dépouille de la Bête.
Le cadavre aurait donc été en route avant que l'animal fut
chassé ? Où est la clef de l'énigme ? Nous savons
de source certaine que l'animal était arrivé a Clermont
le 22. En effet, l'intendant d'Auvergne écrit à Monsieur
Antoine le 23 septembre :
" Monsieur, votre fils est arrivé ici hier soir et m'a porté
le loup énorme etc
"
En même temps, l'intendant écrit au roi " Sire, nous
sommes d'une joie inexprimable
.. " et annonce qu'Antoine fils
a déjà fait ouvrir, empailler et embaumer l'animal.
Q'un loup tué le 19 aux Chazes puisse être à Clermont
le 22, même en passant par le Besset et Saint-Flour, c'est improbable,
quoique pas impossible. Il y a du Besset à Saint-Flour 36 à
40 kilomètres, par des chemins assez difficiles. Le loup était
transporté au pas. Donc huit à dix heures au moins avec
les arrêts. De Saint-Flour à Clermont il y a 120 kilomètres,
par une route dure mais possible en poste. Dix heures pour aller à
Saint-Flour, dix à douze heures de Saint-Flour à Clermont,
deux à quatre heures d'arrêt
.oui c'est possible. Oui
à la condition que tout soit prévu à l'avance et
préparé, il est à la rigueur possible que Monsieur
Antoine fils, partant du Besset le 21 au matin ait été le
lendemain soir à Clermont.
Mais, si l'on en croit le procès verbal, le loup aurait été
tué le 21 aux Chazes : il n'aurait pu être que le soir au
Besset très tard et encore par un miracle. Monsieur Antoine fils
n'aurait donc pu partir au plus tôt que le 22 au matin. Il ne pouvait
dans ce cas être à Clermont le 22.D'autre part, le procès
verbal fait aux Chazes porte sa signature et il était présent
à l'ouverture du loup.
Mais Monsieur Antoine père a écrit du Besset le 22, à
l'intendant du Languedoc disant expressément qu'il était
revenu des Chazes coucher au Besset le 21, envoyant son procès
verbal et annonçant le départ de son fils pour Clermont.
L'imposture est évidente.
Ou bien Monsieur Antoine fils, arrivé à Clermont le 22 était
parti le 20 du Besset comme l'écrivait ce jour là son père
à l'intendant d'Auvergne, et non le 22 comme l'indique ce jour-là
son père à l'intendant du Languedoc.
Alors le loup que Monsieur Antoine fils a apporté à Clermont
ne pouvait être celui qui fut tué aux Chazes le 21. Il ne
pouvait signer le procès verbal qui porte sa signature, ni celui
de l'ouverture du loup par Boulanger, le chirurgien de Saugues. Le loup
du procès verbal est une fausse bête et MM Antoine père
et fils sont des faussaires. Ou bien il y avait deux loups, voire trois,
l'un pour l'Auvergne et la Cour, l'autre pour le Gévaudan, le troisième
pour quel usage ?
La fourberie de toute cette affaire n'en est que plus noire.
Pour résumer, le récit d'Antoine est partout invraisemblable
et mensonger, le pays ne s'y laissa pas tromper. Son imposture fut préméditée,
il eut des complices, les autorités le servaient. On le croyait
puissant à la Cour. Les évènements se chargèrent
bien vite de démontrer que le monstre n'était pas mort.
Mais personne en dehors du Gévaudan n'osa inculper le porte-arquebuse
du roi.
Mr Antoine repartit
le 3 novembre. Mais on s'aperçut très vite que, s'il était
persuadé d'avoir tué la Bête, il s'était
quelque peu trompé. Cependant, il eut de la chance car depuis
le 13 septembre il n'y eut plus de carnages à déplorer
et cela dura tant que les Chastel restèrent en prison. Cela recommença
peu à peu à leur sortie. On ne sait d'ailleurs pas véritablement
à quelle date ils furent relâchés après le
départ de Mr Antoine. Il y a entre les Chastel et la Bête
un certain mystère. Antoine l'avait-il pressenti ? Sans doute
il ne crut guère à ces sorcelleries. Il était trop
de la Cour et de son siècle. Cependant, il dut bien voir qu'entre
ces hommes et la Dévorante certains liens pouvaient être
tissés dans l'ombre.
La Bête reparut, malheureusement, dès le 2 décembre.
En effet, deux gamins de treize et six ans gardaient ensemble le bétail
sur les bruyères de la Margeride. Tout à coup, la Bête
sortit des bois : elle attaqua les petits vachers à trois reprises.
A la deuxième, elle saisit aux reins le plus jeune, l'emporta,
allait le dévorer lorsque l'autre, la baïonnette basse,
arriva sur elle. Il combattit avec une présence d'esprit et un
courage tenant du prodige. Enfin le gamin, vainqueur de la Bête,
prit par la main le plus jeune, blessé, alla ramasser les bestiaux
dispersés sur la montagne et les ramena à l'étable.
Et puis, tout cela continua. Trois jours avant Noël, une petite
bergère de Marcillac : elle fut égorgée. Elle fut
enterrée le lendemain et toute la peine de la montagne fut rassemblée
là, dans la sombre petite église. Quelques jours plus
tard, autre carnage à Julianges : une bergère fut entièrement
dévorée. Vers la mi-février (nous sommes en 1766),
la meunière du moulin de Badouille, près de Lorcières,
fut soudainement attaquée. Elle était en train de rompre
de la glace : sa pioche lui permit de se défendre vigoureusement.
La Bête l'envoya à terre mais elle se releva et lutta.
Elle eut beaucoup de mal à regagner sa maison. La Bête,
qui l'avait blessée grièvement, la suivit jusqu'à
la porte
Le quatre mars, vers le Mont Chauvet, à la tombée
du jour, un gamin de huit ans était allé conduire les
bufs à l'abreuvoir près de la ferme. Arrivé
au bac, la Bête était là aussi. Aux cris du gamin
; les paysans mirent le Monstre en fuite mais il avait eu le temps de
planter ses crocs. Le gamin rendit l'âme une demi-heure après.
Dix jours plus tard, ce fut une petite à Saint Privat du Fau,
retrouvée morte dans les bois.
Il fallait recommencer de vivre comme avant, la baïonnette toujours
à la main.
Que pouvaient faire les autorités ? Celles-ci s'étaient
adressées au Roi, qui leur avait envoyé Mr Antoine. Celui-ci
avait tué la Bête : il n'y avait pas à y revenir.
Allait-on reprendre les battues qui avaient lassé les paysans
? Laisserait-on dévorer les bergers ? Et si la Bête venait
à croître et à multiplier ? Une seule Bête
bouleversait déjà la vie des gens. Que serait-ce alors
? Il faudrait quitter la montagne. Tout ce qu'on imagina à ce
moment-là, ce fut de faire empoisonner le Haut Gévaudan.
On exposa, ça et là, aux bords des bois, des chiens morts
bourrés de poison. Cela ne fit pas grand tort à la Bête.
Le dix-sept avril, deux surs, qui jouaient près de leur
maison, furent attaquées, une blessée, l'autre tuée.
Puis, en Août, ce fut le tour d'une bergère à Auvers
qui fut entièrement dévorée. Dans cet été
1766, elle avait attaqué et mangé plusieurs enfants. Elle
terrassa une femme de Servières avec une fureur et une force
dont on ne peut avoir idée, lui creva les yeux et humant le sang,
elle le crachait à pleines bouchées sur ceux qui accouraient
au secours. Cependant, les carnages étaient plus espacés
que naguère. Vers la fin, du reste, les paroisses n'enregistraient
plus sur les actes de sépulture la phrase " dévoré
par la Bête ".
Revint l'hiver, on connaît mal cette période, tout s 'est
passé au fond du Gévaudan entre les gens du pays et la
Bête et ne s'est raconté que sous l'arbre du désert.
* * * * * * * * * *
On sait seulement qu'au printemps tout repartit. Le 2 mars, une petite
de onze ans est égorgée dans le bois de Segeas, paroisse
de Servières. Le 28, une autre à Darnes, le village est
né Jean Chastel. En avril, le nombre des meurtres a triplé.
Il redevient ce qu'il était aux plus beaux temps de la Bête.
Entre les carnages, il faut noter, le 16 mai 1767, non plus au Pépinet
mais à Sept-Sols, celui d'une autre petite Denty, peut-être
la cousine de la première. Ce qu'il faut remarquer, c'est que,
pour la première fois, on voit paraître le nom de Jean
Chastel et de son fils Pierre au bas d'un des actes de sépulture
sur le registre de la Besseyre, leur paroisse. Cependant, jusque là
les parents des victimes ne leur avaient jamais demandé d'être
témoins. Etaient-ils suspects ? Qu'est-il arrivé à
ce moment-là ? Quelle tempête dans les esprits s'est-elle
livrée chez les Chastel ? Ont-ils pensé qu'il fallait
enfin faire arrêter ces carnages qui reprenaient de plus belle
? La confiance que leur accordaient les gens a-t-elle achevé
de le transformer ?
A dater de ce 16 mai, date à laquelle la petite Danty de Sept-Sols
a été égorgée, la Bête n'a plus qu'un
mois à vivre. A partir de la fin Mars 1767, après une
pause puis une lente et sournoise reprise, tout recommence. Dans un
rond de cinq paroisse : La Besseyre d'abord et Grèzes, Servières,
Nozeyrolle, Saint-Privat-du Fau. En huit semaines, elle va dévorer
douze femmes et enfants. On parla de nouveau de battues mais on en avait
fait tant et tant que le peuple du Gévaudan n'en voulait plus,
il voulait autre chose. On annonça une retraite où l'on
prierait la vierge.
Il y eut un grand mouvement de foi et d'espérance, puis il y
eut un grand pèlerinage à notre Dame de Beaulieu au pied
du Mont Chauvet et du Mont Grand dans ces étendues de gazon et
de sagnes qui vont vers le Mont Mouchet.
Les paroisses y étaient montées en procession conduites
par leurs curés. On était venu demander à Notre
Dame de délivrer le pays de la Bête, on chantait on priait.
A l'offrande, Jean Chastel fit bénir son fusil et trois balles.
Les balles ordinaires ne peuvent rien sur la peau de la Bête.
Ces balles-là ont été fondues avec des médailles
de la vierge.
Avec sa famille entière, donc avec Antoine le mène-loup,
il a ce jour-là demandé à Dieu de mettre fin à
ce fléau.
On dit qu'il paraissait soucieux, comme s'il savait jouer une partie
aux terribles dessous.
Lors de ce pèlerinage, il fut décidé pour le vendredi
19 juin une chasse aux bois de la Ténazeyre car il était
reconnu que la Bête y avait établi ses quartiers depuis
plusieurs jours.
Avant les foins
et les gros travaux des champs on reprenait la bataille aussi dur qu'on
le pouvait.
A ses propres dépens, le marquis d'Apcher organisait les chasses.
Faute d'une direction, il avait vu échouer les unes après
les autres les battues de naguère.
Pour la chasse à la Ténazeyre, il eut trois cents batteurs
et tireurs. Il disposa son monde au levant, du côté de
Servières en faisant investir de droite et de gauche une grande
étendue de pays. Il avait placé chacun du mieux qu'il
pût, et la bête, sans pouvoir s'évader devait être
rabattue sur les chasseurs.
De fait, lorsqu'elle fut débusquée, elle fut poussée
vers eux. Jean Chastel l'attendait vers la sagne d'Auvers. Il lisait
dans son livre d'heures les litanies de la vierge. Il la vit venir et
vit très bien que c'était la Bête, mais par un sentiment
de confiance envers Notre-Dame, il voulu finir ses prières.
* * * * * * * * * *
Il ferma le
livre, le mit en poche, plia ses lunettes, prit son fusil. Un genoux
en terre, il épaula, visa, tira. La bête fut abattue.
Tout de suite déboulèrent les chiens de M d'Apcher qui
la mirent à mort.
Ainsi finit la poursuite de trois années, arrive en moins d'une
heure ce qui n'était pas arrivé en plus de mille jours.
On était accouru au coup de fusil. Quel cri, quelles courses,
la bête c'était bien la bête et ce n'était
pas un loup.
Suivant la description qui en a été faite, il s'agissait
d'un énorme " matin " (chien dogue mâtiné
d'autre chose probablement de lévrier) aussi grand qu'un taureau
d'un an avec de longs poils hérissés, une grosse tête,
le poitrail large et blanc maculé de tâches roussâtres,
une crinière noire sur le dos allant de la tête à
la naissance de la queue qu'elle avait fort longue et fournie.
Elle avait les oreilles taillées d'une autre façon, les
pattes plus larges avec un crochet par derrière, et les pattes
de devant étaient plus courtes que l'arrière train, le
poil était rougeâtre. De grosse taille, énorme puisqu'elle
pesait neuf cent livres. Mais le plus extraordinaire c'était
sa gueule de museau si allongée que l'écartement des mâchoires
mesurait quarant-cinq centimètres. Ces mâchoires de crocodile
qui pouvaient cisailler, capables d'un seul coup de faire sauter une
tête.
La bête était morte, on la chargea sur un cheval, on la
porta en triomphe au château de Besque. Le marquis d'Apcher envoya
chercher le chirurgien de Saugues et le chargea de l'empailler ; ce
dernier qui ne savait pas grand-chose ne sut que retirer les entrailles
et bourrer de la paille à la place.
Cela fait, on la garda une dizaine de jours pour contenter la curiosité
d'une infinité de personnes qui voulaient la voir.
Puis elle fut chargée sur quelque bidet et Jean Chastel fit la
tournée coutumière dans le pays.
Lorsque des chasseurs avaient tué un loup, ils allaient ainsi
le montrer de porte en porte, et les femmes des fermes leur donnaient
du lard ou des ufs ou bien encore une pièce.
Mais cette tournée ne rapporta pas grand chose ; en effet, trop
de fois par le passé des chasseurs avaient tué la Bête
du Gévaudan. Et les gens ne voulaient pas croire que celle-ci
fut la bonne.
Plus tard les Etats de la Province accordèrent à Chastel
une gratification de quelques dizaines de livres.
Jean Chastel avait espéré que le roi le récompenserait.
Avec un domestique du marquis et la bête emballée dans
une caisse, il était parti pour Versailles.
Cependant, on était au début août, la bête
mal empaillée tournait à la charogne, lorsqu'on présenta
au Roi la dépouille et l'heureux chasseur, la puanteur fit reculer
le roi qui donna l'ordre d'enterrer la carcasse et tourna les talons.
Pauvre Jean Chastel, pauvre rustique qui ne s'était pas comporté
selon l'étiquette de la Cour. Il n'eut à peu près
rien.
N'était-il pas le mauvais sujet qui avait mis en joue les gardes-chasse
de sa majesté et qu'il avait fallu mettre à l'ombre ?
Tant de battues, de poursuites, d'affûts, de pièges posés,
de fosses creusées, d'appâts empoisonnés, de coups
de fusil tirés
Jean Chastel, lui, y avait mis fin. Par
quel prodige ? Par quel tour de passe- passe ?
N'y avait-il pas eu quelqu'un pour la lui envoyer comme elle l'avait
été à tel ou tel dans les villages hurlant devant
la porte ou apparaissant au rebord des fenêtres ?
Quelqu'un : cet Antoine, velu, bourru, effrayant de solitude, sauvagement
retranché au milieu des mâtins et des loups dans une de
ces cabanes qu'il avait au bord de la Ténazeyre. Et ce fils plus
ou moins vendu au diable, Jean Chastel avait su l'amener à un
incroyable retournement : du meneur de loups qui envoyait la Bête
égorger femmes et enfants, il avait fait celui qui l'avait envoyée
tomber d'elle-même sous les balles bénites
Retournement chez Jean Chastel d'abord, peut-être. En 1767, il
n'y a pas deux ans qu'on a pu parler de sa mauvaise réputation
dans tout le pays à tel point qu'il a fallu le mettre en prison.
La Besseyre est l'endroit des sorciers ,et lui est surnommé le
" masque " : le sorcier.
N'est -il pas de la bande ?
Si Antoine court le loup-garou il faut bien qu'i tienne cela de quelqu'un.
Mais peut-être qu'un jour cet homme-là a vu, réellement
vu le sang des autres, il approche des soixante ans : une certaine sagesse
s'est emparée de lui ainsi qu'un aspect plus humain.
Peut- être que devant le corps sanglant et déchiré
de la petite Denty pour laquelle il s'était pris d'affection,
il a été retourné.
C'est alors qu'il s'est juré de mettre un terme à cette
histoire. Il est devenu cet homme qui n'est plus avec la bande, mais
avec son peuple, celui qui à Notre Dame de Beaulieu, fait bénir
son fusil. Le "mauvais sujet" de Mr Antoine est maintenant
l'habitant le plus notable de son village, que mariages ou baptêmes
prennent presque toujours pour témoin.
Cependant les paysans ne pouvaient savoir ce qui s'était passé
au fond du cabaret de Jean Chastel ou de la cabane d'Antoine, mais ils
avaient toutefois le sentiment qu'entre le père et le fils, la
bande et la paroisse, le pacte avec le diable et la foi donnée
à Dieu, s'était livré quelque rude bataille.
Un homme intervint
en faveur des Chastel en août 1765. Il organisa l'imposture des
Chazes avec l'entourage d'Antoine de Beauterne, et parvint à
neutraliser la bête jusqu'après le départ de celui-ci.
Il s'agit du Comte Jean François Charles de Morangiès.
Vivant dans les bois au lieu-même du repaire de la bête,
Antoine Chastel pourrait bien avoir été le meneur de celle-ci,
mais l'idée de l'animal dressé, protégé
d'une cuirasse, ne venait pas de lui. Seuls les Chastel n'auraient pu
mener à bien cette machiavélique entreprise.
Le dresseur de la bête semble savoir beaucoup de choses sur les
chiens de guerre, l'idée de la cuirasse en témoigne.
Lui ou un homme à son service serait expert en Cygénétique
: le comte est un officier, il a servi quelques années en garnison
dans l'île de Minorque comme colonel d'où il aurait ramené
Antoine Chastel au pays.
C'est aussi un noble de haut rang très influent de vieille souche
: fut-il soupçonné qu'on aurait beaucoup hésité
à s'attaquer à un nom aussi prestigieux.
Le comte a disposé de temps libre et de locaux sûrs, discrets,
pour dresser la bête avec Antoine Chastel.
Outre ce dernier, un autre comparse a pu être nécessaire
pour "porter le costume d'attaque" le comte dut acheter
son silence ou faire disparaître ensuite ce témoin gênant... Mais
ceci a pu se passer loin du Gévaudan.
A travers la bête, le comte pouvait assouvir à la fois
une vengeance et une soif de puissance frustrée.
La confusion dramatique engendrée par sa terrible création
dut lui procurer un sentiment de puissance fantastique. La revanche
d'un sadique mégalomane.
Le comte est un homme intelligent, froidement calculateur, habile à
manuvrer les hommes, beau parleur, totalement dénué
de scrupules.
Mais le meurtre ne peut être engendré que par un sentiment
de haine, qu'elle qu'en soit l'origine.
Cet homme avait dû subir une terrible déception dans ses
ambitions militaires, politiques ou sociales.
Compte tenu de son nom prestigieux, il a pu lui être aisé
de recueillir des informations sur les plans des chasseurs et des battues.
Il aime les risques et s'approche au plus près de ses adversaires
; c'est un tacticien remarquable et il a toujours un coup d'avance .
Il aurait pu être démasqué ,le risque était
énorme, mais pour le comte tout cela était un jeu du type
jeu d'échecs.
En ce qui concerne la Bête elle-même elle fut probablement
le résultat d'un dressage.
Elevée par l'homme, conditionnée à tuer des êtres
humains, la Bête ne sait pas chasser à la manière
des loups ou des chiens sauvages.
Pour elle, les animaux domestiques ne représentent pas une proie
; lorsqu'elle a faim, elle attaque l'homme. Qu'Antoine Chastel soit
sur les lieux de l'attaque ou n'y soit pas, ne change rien à
ce comportement acquis.
Lorsque la bête est nourrie par son maître, les attaques
cessent ou se raréfient.
Des premières attaques en Vivarais (mars-avril 1764) au meurtre
du Puech le 21 décembre de la même année, il semble
q'Antoine Chastel suive la bête de très près :,on
relève cinq décapitations entre le 7 octobre et le 21
décembre. Il est probable q'Antoine Chastel retient sa bête
pendant les battues. Néanmoins, celles-ci repoussent le redoutable
tandem vers la région de saint Chely.
Du 31 octobre au 15 décembre 1764,on ne signale que deux attaques
vers le 25 novembre, dans la région d'Aumont. Le meneur pourrait
avoir conduit sa bête dans son repaire des bois de la Ténazeyre.
A cause de l'arrivée des dragons, cela se tient lorsqu'on se
rappelle qu'à chaque nouvelle arrivée de personnage important,
l'animal se tient reclus.
Le 15 décembre, Antoine, sans doute soucieux de brouiller les
pistes, mène sa bête vers le nord-ouest : un meurtre suivi
de décapitation a lieu à Sistrière.
Ensuite, les grandes battues vont effaroucher la Bête et la conduire
à des déplacements lointains et considérables du
20 décembre 1764 à la mi-avril 1765.
* * * * * * * * * *
Antoine Chastel
ne peut plus suivre ; la bête est livrée à elle-même
; aussi cette période est elle la plus meurtrière : en
moyenne neuf morts par mois ! Le meneur est remonté vers la Ténazeyre.
Après cette période la bête y cherchera refuge à
plusieurs reprises retrouvant son maître qui, parfois reprend
ses vagabondages avec elle.
Ils auraient pu être ensemble début janvier 1765 du Falzet
à Saint Juery, puis le 23 à Chabanolles.
Ils sont ensemble à chaque décapitation : le 9 février
à Mialanette, le 8 mars à Albaret le Comtal,le 19 mai
à Venteuges.
Antoine Chastel aurait pu être encore présent début
avril lors des meurtres de Dauphine Annez et de Gabrielle Pelissier.
A plusieurs reprises, Denneval et ses hommes ont cerné les bois
de la Besseyre, le mont Mouchet. A chaque fois, la Bête s'est
rembuchée dans les bois de la Ténazeyre où l'odeur
des Chastel et des mâtins ont brouillé les pistes.
Beaucoup de paysans et de villageois soupçonnent les Chastel,
mais avant tout ils les redoutent.
Le 21 juin, la Bête attaque cinq fois tuant trois personnes !C'est
le solstice d'été, la grande fête païenne,
le sabbat des sorciers !
Est-ce une coïncidence ? Peut-être pas
Le cadavre de la femme de Sauzet a été décapité.
Antoine Chastel devait être non loin de la Bête, au moins
à Venteuges où eurent lieu les trois premières
attaques.
Au lendemain de cette hécatombe, Antoine de Beauterne arrive
en Gévaudan avec toute sa suite.
Pendant douze jours, la bête se terre ou on la cache. De son château,
le comte a suivi les événements de très près.
Le capitaine des Dragons, bête et discipliné ? Le vieux
louvetier bourré d'orgueil et décontenancé par
le pays ? La Bête et les gens du pays ? Rien de tout cela ne peut
inquiéter le comte. Mais l'arrivée du Marquis de Beauterne,
ami personnel du Roi, habile et perspicace, l'incite à la prudence.
Le comte transmet à Antoine Chastel l'ordre de rentrer la Bête,
le temps de tester les nouveaux venus. Du 4 juillet au 11 août,
les attaques reprennent mais plus espacées. Notons que, hormis
les journées terribles du 24 mai et du 21 juin, la fréquence
des meurtres tend à se relâcher depuis que la Bête
s'est fixée dans la région du Mont Mouchet. Au contact
de son maître, la bête reçoit de la nourriture ainsi
que les autres mâtins du sauvage. Est-ce le Comte ou Antoine Chastel
qui eut l'idée de l'incroyable défi du 9 août 1765
? On peut être sûr qu'il s'agissait bien d'un DEFI. Il est
invraisemblable qu'un animal, même dressé, ait fait demi-tout,
et suivi les chasseurs après avoir été poursuivi
par ceux-ci, des heures durant ! Une telle chose n'est possible que
si la Bête, après s'être réfugiée auprès
de son maître, a été conduite par celui-ci jusqu'au
Besset pour qu'elle tue, là, sous les fenêtres des chasseurs
du Roi. Pourtant, le surlendemain, la Bête se heurte au courage
de Marie-Jeanne Valet, qui lui porte au poitrail un profond coup de
baïonnette. Elle est sérieusement blessée.
Le 17 août, les Chastel se retrouvent en prison suite à
une altercation avec les gardes-chasse du roi.
Très vite le comte intervient en leur faveur pour les faire libérer
car il craint que ceux-ci finissent par parler. Il parvient à
adoucir leur peine, mais Antoine de Beauterne refuse de les faire libérer
avant son départ du Gévaudan. Ce dernier a de forts soupçons
au sujet des Chastel. En effet depuis l'affaire du bourbier des langues
se sont déliées.
Bien entendu, Antoine de Beauterne ne croit pas à ces histoires
de sorcier, de loup-garou. Toutefois ces extravagances n'auraient-elles
pas un fond de vérité ? Début septembre, remise
de sa blessure, la Bête est affamée. Elle commet huit attaques
en deux semaines. Pendant ce temps, le Comte met au point l'imposture
des Chazes avec l'entourage d'Antoine de Beauterne en lui suggérant
qu'il a les moyens de maîtriser la Bête à condition
que ce dernier ne pose pas de questions et que leur tractation reste
secrète car tout le monde a hâte d'en finir et chacun trouvera
son intérêt dans la proclamation d'une victoire "
officielle " d'Antoine de Beauterne. On peut faire confiance au
Comte. Vers le 15 septembre, celui-ci aurait pu se rendre à la
Ténazeyre, aurait pu déposer de la viande devant la cabane
d'Antoine Chastel. Il aurait attendu la Bête qui serait venue
et aurait pu le reconnaître. L'enferma-t-il ? Se contenta-t-il
de la nourrir copieusement jusqu'au retour d'Antoine Chastel ? Il ne
fallait pas qu'elle meure mais seulement que les attaques cessent afin
de donner le change à la victoire d'Antoine de Beauterne.
Décembre 1765. Antoine Chastel sort de prison. Les attaques reprennent
mais aux nouvelles sollicitations du Gévaudan, Versailles fait
la sourde oreille car, pour la Cour, cette affaire est close. Pour le
Comte, le jeu perd une grande partie de son attrait. Il ne risque pas,
en effet, d'être dénoncé par ses anciens complices,
dans l'affaire des Chazes. Ceux-ci avoueraient, de fait, leur propre
forfaiture et tourneraient Antoine de Beauterne en ridicule. Antoine
Chastel, la Bête, plus rien ne s'oppose à eux désormais.
1767. Les beaux jours revenus, la Bête retrouve sa férocité
des périodes les plus meurtrières. Pourtant, elle ne s'éloigne
guère du Mont Mouchet. Antoine Chastel n'aurait-il plus les moyens
de la nourrir ? Serait-elle devenue indépendante et difficile
à maîtriser ? Après avoir longtemps couvert les
agissements de son fils, Jean Chastel, revenu à des sentiments
plus humains et ainsi qu'à une plus grande piété,
va contraindre ce dernier à en finir.
Au cours de la chasse du 19 juin, Antoine Chastel entend le son du cor
et les aboiements des limiers. Il sait où son père est
posté. La Bête dort, repue, près de la cabane. Antoine
lui ôte sa cuirasse puis la conduit vers son destin. L'étreint-il
une dernière fois avant de la diriger vers son père ?
Seuls les grands pins du Mont Mouchet peuvent en témoigner. Un
coup de feu retentit. Antoine Chastel sait que tout est terminé.
Il regagne sa cabane. Pour lui aussi, c'est sans doute une nouvelle
vie qui commence.
On peut être étonné de la condition extrêmement
humble dans laquelle fut maintenu le vainqueur de la Bête. Jusqu'en
1767, sa mauvaise réputation ne plaidait pas en sa faveur. Mais
comme on l'a vu, il s'est amendé. N'est-il pas devenu l'homme
de confiance de sa paroisse ? Et pourtant, lorsqu'il mourut en 1789
il n'eut même pas le droit à une pierre tombale. Lors de
sa confession, Jean Chastel a certainement tout dit à l'Abbé
Fournier, curé de La Besseyre Saint Mary. Il est évident
que ce dernier connût toute la vérité : on ne risquait
pas de recueillir son témoignage car le secret de la confession
est un principe sacré. Jean Chastel a reçu l'absolution
puisqu'il faisait preuve d'un sincère repentir et qu'il promettait
de tuer la Bête. Mais l'anonymat de sa sépulture, sans
doute faut-il l'intégrer dans un dessein d'ultime pénitence
: l'humilité jusque dans la mort. Frédéric
BRUGUIER
Ailleurs
il
y a un peu moins de trente ans il y eut le cas de la Bête des
Vosges.
L'affaire dura moins de dix mois et le bilan s'éleva à
300 animaux domestiques agressés ( sans parler des animaux
sauvages ; biches et chevreuils ) mais aucun être humain ne
fut attaqué.
en 1731/34 la Bête de l'Auxerrois ( 28 personnes tuées )
etc
Bibliographie |
Après
avoir fait couler le sang, la bête du Gévaudan
fait couler l'encre. Plus
de 1500 documents écrits sont en effet recensés
sur ce sujet, produits soit à l'époque des faits,
soit depuis 1767. |
Les
documents de l'époque
On
peut les trouver pour la plupart dans les archives et les bibliothèques
publiques. Tous ne sont sûrement pas encore connus, surtout
ceux, s'ils existent, des archives privées. Peut-être
un jour feront-ils encore avancer la connaissance de ce fait
divers hors du commun. Ils se présentent principalement
sous deux formes : |
des
manuscrits :
lettres registres
paroissiaux
procès
verbaux
mémoires
états
de frais |
Des
imprimés :
ordres circulaires
affiches
articles
de journaux (gazette de France et courrier d'Avignon en particulier)
gravures
poèmes,
complaintes, placards illustrés
mandement
(de l'évêque de Mende)
primes
allouées aux chasseurs |
* * * * * * * * *
* |
Les
écrits depuis la mort de la bête
Nous
ne pouvons pas tous les citer car la bête a suscité
beaucoup de passion et donc de nombreux livres et articles ont
été publiés depuis sa mort. Certains sont
des études historiques, d'autres des études scientifiques,
d'autres des romans, ou même des pièces de théâtre,
d'autres des bandes dessinées,..... Ces nombreux ouvrages,
aux contenus très divers, déconcertent souvent
les gens qui découvrent cette histoire. Pour tenter d'être
clairs et concis, nous ne mentionnerons, par ordre chronologique
et par catégories, que les principaux livres et non les
articles de revues ou de journaux |
Un
ouvrage de référence
La première étude historique complète et qui fait encore autorité est celle de l'abbé Pierre POURCHER "Histoire de la bête du Gévaudan, véritable fléau de Dieu". L'auteur a recherché et recopié tous les documents qu'il a pu trouver dans les archives publiques, il a également recueilli la tradition orale, encore bien vivace à son époque car ce livre a été publié pour la première fois en 1889 (il avait été imprimé par l'auteur lui même! ). Pierre POURCHER qui était né au Mazet de Jullianges au nord de la Lozère, pensait que la bête était un monstre envoyé par Dieu pour punir les hommes. Cet ouvrage a été réédité plusieurs fois depuis. |
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Ceux
qui accusent le loup
De nombreux documents sur la bête parlant de loups, ces auteurs l'accusèrent donc d'être coupable, en plus, il était le seul fauve de la région à cette époque et capable de couper des têtes. |
-En
1901, l'abbé François FABRE de Saugues publie
"La bête du Gévaudan en Auvergne". Il
y mentionne de nouveaux documents découverts notamment
à Clermont-Ferrand. Ce
même auteur écrit une autre "La bête
du Gévaudan" en 1930. Très bel ouvrage plus
complet que le premier, illustré en couleurs. -Il
faut ensuite attendre 1968 et le livre de l'abbé Xavier
PIC "La bête qui mangeait le monde en pays de Gévaudan
et d'Auvergne" pour avoir un autre écrit majeur
sur le sujet qui fait la synthèse Pourcher/Fabre. -1970
Jacques DELPERRIE de BAYAC avec "Du sang dans la montagne"
présente l'avis d'un éleveur de loups dans une
histoire romancée. -1985
Guy CROUZET publie "Quand sonnait le glas au pays de la
bête", une très sérieuse étude
fortement documentée. L'auteur a repris tous les documents
historiques à leurs sources et en a même découvert
de nouveaux. Il y fait notamment l'arbre généalogique
des Chastel. -1987
Félix BUFFIERES "La bête du Gévaudan"
avec de nombreuses illustrations. -1990
Serge COLIN "Autour de la bête du Gévaudan".
L'auteur y replace l'histoire de la bête dans son contexte
historique local et national. Du très sérieux
sur le plan historique ! -1992
Guy CROUZET écrit "Requiem en Gévaudan"
qui reprend avec quelques nouvelles découvertes, l'ouvrage
de 1985. -1999
Réédition de l'ouvrage de François FABRE
complété par Jean RICHARD : un des "best
seller" sur le sujet ! -2001
nouveau livre de Guy CROUZET "la grande peur du Gévaudan"
dans lequel il dévoile le résultat de ses dernières
recherches: des loups coupables et peut-être en plus une
hyène qui aurait rôdé dans le Gévaudan,
semant ainsi le trouble dans les esprits.........Troublant........ -2005
Jean Louis PESCH, célèbre auteur de Bd (Sylvain
et Sylvette) fournit un superbe travail en réalisant
sa bête du Gévaudan. On y trouve des dessins très
réalistes et une histoire suivie au plus près.
À ne pas manquer ! |
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Ceux
qui disculpent le loup et accusent d'autres animaux
Dans les années 1975, la vulgarisation des travaux sur le comportement des loups (éthologie) allait tout remettre en question car les scientifiques affirmèrent haut et fort que le loup n'attaque pas et n'a jamais attaqué ni homme, ni femme, ni enfant. Pour eux, la bête ne pouvait pas être un loup, il a donc fallu imaginer d'autres coupables. Le débat était donc relancé et il dure encore. Les livres reprenant ces théories sont : |
-1976
Gérard MENATORY "La bête du Gévaudan":
c'est une hyène menée par Antoine Chastel.
-1983
René de CHANTAL "La bête du Gévaudan
la fin d'une énigme" car pour lui il s'agit d'un
tigron.
-1988
Raymond Francis DUBOIS "La bête du Gévaudan":
c'est un chien de guerre cuirassé qui accomplit ses méfaits
pour le compte d'un seigneur du coin.
-1992
Michel LOUIS "La bête du Gévaudan l'innocence
des loups": c'est un hybride loup/ chien cuirassé
lui aussi, et agissant sous les ordres d'un noble avec la complicité
des Chastel.
-1993
Pour Alex MARQUES "La bête qui mangeait le monde"
devient un glouton (égaré en Gévaudan depuis
la préhistoire).
-2004
Hervé BOYAC publie un gros livre richement illustré
et pour lui les coupables sont des nobles du coin agissant avec
des hybrides dressés.
-2004
Pascal CAZOTTES voit dans la bête un hémicyon,
animal rescapé de la préhistoire qui était
mi chien, mi ours....
-2006
Roger OULION voit un vaste complot de nobles secondés
par les Chastel lançant des hybrides dressés sur
les bergères du coin. |
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Ceux
qui accusent un ou des hommes
Un ou des hommes revêtus de peaux de bêtes auraient, d'après ces auteurs, commis tous ces crimes. C'est oublier un peu vite les nombreux témoignages des rescapés d'attaques. Tous ces témoins oculaires, absolument tous parlent toujours d'un animal à quatre pattes et jamais d'un homme, même déguisé en bête. Et les gens de cette époque savaient observer tout aussi bien que nous ! |
-1962
Mme ARIBAUD-FARRERE écrit un petit fascicule "La
bête du Gévaudan identifiée" publié
à Béziers. Pour elle c'était un fou sadique.
-1978
Alain DECAUX raconte "La bête du Gévaudan"
et évoque lui aussi un fou sadique.
-1985
Jean-Jacques BARLOY publie "Les survivants de l'ombre"
où l'affaire de la bête du Gévaudan est
soumise à l'ordinateur.
-1995
Pierre CUBIZOLLES écrit "Loups garous en Gévaudan",
ouvrage très contesté car pour lui les Chastel
sont seuls coupables.
-2003
Roger LAGRAVE publie "Les dits de la bête",
pour lui le coupable est Pierre Chastel, le frère de
Jean le tueur de la bête.
-2004
André AUBAZAC, émule de Pierre CUBIZOLLES, pense
lui aussi à des sadiques déguisés en bêtes.
-2005
Roger LAGRAVE reprend sa théorie dans "Autres dits
de la bête". |
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Ceux
qui ont écrit des romans
Les romans sur la bête ont bien sûr le droit d'exister mais ils doivent être signalés et considérés comme tels. L'Histoire ne s'invente pas! On doit, à notre sens, prévenir le lecteur que ce qu'il va lire est en grande partie sorti de l'imagination fertile d'un auteur. Les romans sur le thème de la bête ont largement contribué à créer un flou, une légende sur cette affaire. Et en particulier les deux ouvrages suivants : |
-1936
Abel CHEVALLEY "La bête du Gévaudan".
Le premier à inventer Antoine Chastel gardien de ménagerie,.....
-1946
Henri POURRAT "Histoire fidèle de la bête
en Gévaudan". Le célèbre écrivain
reprend la thèse de Chevalley sur Antoine Chastel. |
On
y retrouve des personnages bien typés : Antoine Chastel
, le fils de Jean, serait allé en Afrique du nord, capturé
par les barbaresques. On en aurait fait un gardien de ménagerie,
on l'aurait même émasculé pour en faire
un gardien de harem! (Guy Crouzet a montré dans son livre
qu'il avait eu 6 enfants !!!). Et cette légende qui ne repose sur absolument aucune
base historique, qui n'a pas le moindre début de preuve,
a été par la suite, reprise par beaucoup d'auteurs
comme argent comptant ! D'autres romans sur la bête voient régulièrement
le jour, preuve de l'intérêt de cette affaire pour
le commerce bibliographique....... Quelques-uns des plus récents
: |
-2004
Jean Paul MALAVAL publie le carnaval des loups.
-2005
Jean Christophe MACQUET publie Werewolf.
-2006
Philippe MIGNAVAL publie Gévaudan. |
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Les
livres que l'on peut trouver Beaucoup d'ouvrages cités ne sont plus disponibles en librairie. Certains ont été réédités. On peut en trouver, avec de la chance, sur le marché de l'occasion. Voici un liste, non exhaustive, de ceux qui existent actuellement chez leurs éditeurs : |
-CUBIZOLLES
Pierre "Loups garous en Gévaudan le martyre des
innocents" Watel Brioude 1995.
-FABRE
François et RICHARD Jean "La bête du Gévaudan"
De Borée Clermont-Ferrand 2001.
-FERON
ROMANO José "La bête du Gévaudan"
Hachette jeunesse livres de poche Paris 1995.
-LOUIS
Michel "La bête du Gévaudan l'innocence des
loups" Perrin Tempus Paris 2003.
-POURCHER
Pierre "Histoire de la bête du Gévaudan"
Jeanne Laffite Marseille 2006.
-POURRAT
Henri "Histoire fidèle de la bête en Gévaudan"
Jeanne Laffite Marseille 1985.
-FOURNIER
Laurent "la petite histoire des grands ravages d'une méchante
bête" PSR éditions 2001.
-BOYAC
Hervé "La bête du Gévaudan plaidoyer
pour le loup" compte d'auteur 2004.
-AUBAZAC
André "Drôles de bêtes en Gévaudan"
Chaumeil repro Clermont Ferrand 2004.
-CAZOTTES
Pascal "La bête du Gévaudan enfin démasquée"
Les 3 spirales 2004.
-DALLE
Corinne "Au loup la bête du Gévaudan et autres
loups..." CG Archives Puy de Dôme 2005.
-PESCH
Jean Louis "La bête du Gévaudan" (BD)
De Borée 2005.
-POUCHALSAC
et TUREK "La bestia" Bois sans feuille 2005.
-LAGRAVE
Roger "Autres dits de la bête" Éditions
Gévaudan Cévennes 2005.
-OULION
Roger "La bête du Gévaudan" Éditions
du Roure 2006 |